S01E06 – Mathieu Marchand : Rallye Dakar, l’événementiel sur tous les continents
Dans ce nouvel épisode, Nicolas Guillermou nous emmène au Moyen-Orient à la rencontre de Mathieu Marchand, qui revient tout juste de son 16ᵉ Dakar. Passionné de sports mécaniques, il a fait de l’événementiel son métier en collaborant depuis plusieurs années avec ASO sur l’organisation de la célèbre catégorie Original By Motul.
N.G : Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur le podcast Good Morning Event. Aujourd’hui, je suis avec Mathieu. Mathieu, bonjour.
M.M : Bonjour.
N.G : Tu t’appelles Mathieu Marchand et tu es notre invité aujourd’hui parce qu’on va parler de l’événement qui démarre tous les ans à l’année de l’événementiel, qui nous apporte un peu de soleil, de chaleur et qui nous fait voyager, notamment dans le désert, le Dakar. Alors Mathieu, tu reviens tout juste je crois de ton 16e Dakar. Peux-tu déjà nous présenter un peu ce qu’est le Dakar pour ceux qui ne connaissent pas bien cet événement ?
M.M : Alors le Dakar c’est un rallye raid, c’est une course qui se déroule dans le désert avec différents types de véhicules. Il y a les motos, il y a les SSV, les side by side véhicules, les autos et les camions. C’est un rallye qui dure à peu près entre 12 et 15 jours tous les ans au mois de janvier et qui existe depuis 1979.
N.G : Et sur le Dakar, il y a les pilotes, les équipes et puis il y a l’organisation qui est gérée par ASO, Amoris Sport Organisation, qui est égalementl’organisateur par exemple du Tour de France ou le propriétaire du journal L’Equipe.
M.M : Tout à fait.
N.G : Quel est ton rôle, toi, dans tout cela ?
M.M : Alors moi, je suis freelance à la base. Et en fait, ASO me prend en tant que freelance tous les ans pour organiser et gérer la catégorie qui s’appelle anciennement les « malle-motos » et aujourd’hui qui s’appelle Original by Motul. C’est une catégorie de motards qui courent le rallye sans assistance. Donc ça veut dire que le motard, il a une malle, un lève-moto, un tapis environnemental, une tente, un sac de couchage, et il doit pouvoir réaliser son rallye avec tout ça pendant 15 jours. Et donc moi je suis en charge de m’occuper de la logistique de cette catégorie, et de certains aspects sportifs également, mais aussi de faire attention à ce que les concurrents respectent les règles de cette catégorie, c’est-à-dire de ne pas recevoir d’assistance. d’une tierce personne pendant le rallye. Pour être un peu plus précis, dans cette catégorie-là, les pilotes, moi j’avais 25 pilotes cette année, ont le droit de s’aider entre eux pour faire de la mécanique. Moi dans mon équipe j’ai six personnes dont deux mécaniciens en moto et mes deux mécaniciens en moto ont le droit d’aider les pilotes de la catégorie à faire de la mécanique. Mais sinon ils ne reçoivent aucune aide extérieure pour les aider, que ce soit pour monter leur tente, changer une roue, voilà. Tout ce qui est mécanique, même logistique, ils le font tout seuls.
N.G : Donc pas le droit d’aller voir les professionnels, par exemple, pour demander une pièce détachée qui leur manquerait. Il faut tout anticiper sur ce qui risque de casser pour la moto.
M.M : Ils n’ont pas le droit d’aller voir dans les teams officiels pour demander de l’aide. Aujourd’hui, si on décortique bien le règlement, ils ont le droit d’aller acheter des pièces dans les teams parce qu’en fait, c’est une malle de 80 litres, c’est une malle en fer de 80 litres. Des fourches, par exemple, ça ne rentre pas dans une malle de 80 litres. Donc, s’ils ont un problème de fourche ou de l’usinage à faire sur leur moto, ce qu’on fait, c’est que moi, je détache une personne de mon équipe qui va aller les accompagner dans un team pour bien vérifier que c’est le pilote qui travaille sur sa moto ou qui reçoit le conseil, mais qu’il y a encore une fois zéro aide extérieure qui vient aider le pilote.
N.G : Pour un événement aussi emblématique que le Dakar, qui s’est corru du coup en Afrique, jusqu’en 2007. Et puis, il y a eu un peu ce tournant avec 2008, une édition qui a été annulée, je crois, un peu au tout dernier moment pour des risques terroristes qui menaçaient la course.
M.M : Oui, tout à fait. Après, moi, j’ai commencé le Dakar en 2009 quand le Dakar est arrivé en Argentine. Je suis fan de Dakar, je suis un passionné, je fais de la moto. Je regardais le Dakar quand j’étais gamin, comme beaucoup de monde. Et donc, oui, j’ai su qu’en 2008, le Dakar n’était pas parti. Et il y avait eu effectivement de la menace sécuritaire dans certains pays d’Afrique. Donc, comme le Dakar n’est pas parti en 2008, on se demandait où il allait se faire sur les années suivantes. Et par chance, c’est parti en Amérique du Sud.
N.G : Si je ne dis pas de bêtises, donc toi, en fait, tu étais pour un projet professionnel en Amérique du Sud. Et finalement, c’est presque le Dakar qui est venu à toi. Et ça a été ta première expérience dans l’événementiel.
M.M : Oui, tout à fait. Ça a été en fait ma première expérience en événementiel, puisque je suis parti habiter en Argentine en 2008, pour monter une société de location de moto et d’organisation de circuits en moto. J’étais déjà dans le milieu sport mécanique. Et donc, quand le Dakar est arrivé en 2009 en Argentine, j’ai réussi, avec des contacts, bien évidemment, à intégrer l’organisation du rallye et dans la catégorie « malle-motos », donc la catégorie que je gère aujourd’hui sur le rallye. Mais j’ai commencé, je suis rentré par la petite porte. J’étais équipier. Et puis, au fur et à mesure des années, je crois que je suis resté 4-5 ans équipier. Et après, j’ai pris la responsabilité de cette catégorie.
N.G : Toi, tu arrives, comme tu le disais, par la petite porte en tant qu’équipier, mais tu découvres une organisation qui est quand même bien huilée depuis des années. Comment est-ce que les gens de cette organisation qui, en fait, ont pendant toute leur vie finalement sillonné l’Afrique du Nord jusqu’au Sénégal, comment ces gens-là ont vécu le changement de continent ? Ça a dû être une vraie révolution en fait pour ces personnes.
M.M : Oui, ça a été une vraie révolution, effectivement. Maintenant, encore une fois, j’ai pas fait l’Afrique, mais quand on écoute les commentaires, à l’époque, quand le rallye a changé de continent, quand on écoutait les anciens, comme je les appelais, moi aujourd’hui je me considère comme un ancien, parce que j’ai fait beaucoup de Dakar et que j’ai connu deux continents. Donc ceux qui ont connu l’Afrique, et il y a encore d’ailleurs des gens aujourd’hui sur l’organisation qui ont fait l’Afrique, il y avait un petit regret d’avoir quitté l’Afrique, parce que c’est vrai que les puristes diront que l’essence du Dakar, c’est pour ça que ça s’appelle Dakar d’ailleurs, c’était la course africaine. Voilà, ça s’entend complètement. Maintenant, voilà, pour des raisons sécuritaires, il y a eu une obligation de changer de continent. Et je pense qu’il y avait un public, il y avait un engouement, il y a eu un engouement en Amérique du Sud qui était complètement hallucinant parce qu’on a fait des départs sur la Nueve de Julio, donc la plus large avenue de Buenos Aires, où il y avait 25-30000 personnes qui étaient là pour voir le départ du rallye. Et c’est complètement hallucinant. Il y a eu un engouement pour les sports mécaniques en Amérique du Sud qui est hallucinant.
N.G : Tu parlais de second continent pour toi parce qu’effectivement, jusqu’en 2019, le Dakar s’est couru en Amérique du Sud. Et puis à partir de 2020, le Dakar est passé ce coup-ci au Moyen-Orient, en Asie, en Arabie Saoudite. Toi, de ton côté, à titre personnel, de la même façon, comment est-ce que tu as vécu cette transition et la différence Amérique du Sud-Arabie Saoudite ?
M.M : C’est un peu le choc des cultures, pour être honnête. Parce que l’Arabie Saoudite aujourd’hui est un pays qui se développe, où le divertissement commence à être de plus en plus présent. Donc en fait, on est arrivé dans un pays qui connaissait très très peu les sports mécaniques. On est passé d’un continent où il y avait énormément de public, à un continent où il n’y avait personne. D’un point de vue festif, et on va dire festif pour le terme, l’événement est une fête. Ça a changé pas mal de choses. En revanche, sur la partie sportive, l’Arabie Saoudite, c’est un pays génial. Il y a un terrain de jeu qui est vraiment fabuleux pour tout l’aspect sportif. Et donc, je pense qu’aujourd’hui, c’est pour ça qu’on y est encore et qu’il y a encore beaucoup de choses à faire. Et qu’à ASO, et notamment David Castera, tout le monde a toujours beaucoup d’inventivité pour faire en sorte que le rallye soit toujours aussi chouette en Arabie Saoudite.
N.G : Alors si on revient un petit peu plus en détail sur ta mission, pour toi, un Dakar, ça commence combien de temps avant le vrai top départ de la course ?
M.M : Moi, le Dakar, je travaille à partir du mois de septembre, je commence un petit peu à travailler dessus. J’ai quelques jours de travail avant le top départ dans le pays d’organisation de la course, donc là, en Arabie Saoudite. On fait la réception des véhicules pour pouvoir ensuite, c’est réception des véhicules, réception du matériel de tous les concurrents, début décembre, là maintenant ça se fait à Barcelone, mais on doit récupérer tous les véhicules que l’on va envoyer en Arabie Saoudite. Les véhicules sont récupérés dans un port, que ce soit Marseille, Barcelone, avant c’était le Havre, quand ça partait en Amérique du Sud, et tous les véhicules sont chargés dans deux bateaux. Donc il y a les véhicules, il y a des hélicoptères, il y a presse, il y a orga, il y a concurrents. Il y a énormément de véhicules. Et donc, moi, pour la catégorie, pour les originales by Motul, je récupère toutes les affaires des pilotes qui vont me donner leur malle, ils vont me donner leurs roues, leurs pneus, ils vont me donner leur tente, ils vont me donner pas mal de choses. Et ils vont notamment déposer les motos que nous mettons dans des racks. Et ensuite, les racks sont chargés dans des containers, puis sur des bateaux, pour être expédiés en Arabie Saoudite. Donc voilà, moi, mon rôle, en fait, en amont, c’est de travailler avec la logistique de chez ASO et on échange beaucoup. Motul étant partenaire du Dakar, aujourd’hui, Motul fournit toutes les huiles pour les pilotes de cette catégorie-là. Donc, c’est faire les commandes des huiles, s’assurer qu’il y ait le bon nombre de mâles, s’assurer qu’il y ait le bon nombre de tapis. C’est de la commande et penser à tout. Parce qu’une fois qu’on est arrivé en Arabie saoudite, c’est compliqué de trouver des choses rapidement. Il faut anticiper un maximum tout le matériel. Les tentes, les tables, les racks, des racks pour mettre des pneus. C’est divers et varié. On a une malle avec des prises USB pour les téléphones. On a des portants avec des prises intégrées dedans pour recharger les gilets airbags des pilotes. Il y a des piquets, il y a de la rubalise. Il y a plein de petites choses comme ça qui sont super importantes sur un événement qui est itinérant. Puisque bon, on doit baliser des zones tous les jours. On doit faire des checklists, s’assurer que la partie logistique de l’ASO, ont bien tous les billes en main pour que moi, mon déploiement sur le terrain se passe le mieux possible.
N.G : Et donc, ce que tu disais, c’est que tu donnes rendez-vous aux 25 pilotes de ta catégorie à Barcelone, début décembre. Ils chargent les motos, donc c’est chargé sur un bateau, le bateau part. Canal de Suez ou Tour de l’Afrique ?
M.M : Canal de Suez.
N.G : Canal de Suez. J’imagine que c’est un sujet aussi de tension dans la logistique parce que le canal de Suez, on sait qu’en ce moment, ce n’est pas forcément à faire tranquille.
M.M : Oui, ça, ce n’est pas dans mon scope. C’est de la logistique internationale, c’est du transit international. Donc effectivement, je pense que ce n’est jamais simple. Il y a beaucoup de travail à faire en amont.
N.G : Et toi, du coup, tu te rends en Arabie Saoudite. Tu arrives combien de jours à peu près avant le départ de la course ?
M.M : Moi et mon équipe, nous, on est arrivés une semaine quasiment avant le début du rallye.
N.G : Donc là, vous réceptionnez le matériel, vous le dispatchez, et puis vous attendez finalement les pilotes qui viennent récupérer leur moto quelques jours, quelques heures avant la course ?
M.M : Les pilotes arrivent en général 3-4 jours avant le début du rallye. Le temps qu’ils récupèrent leur moto est déjà au bivouac. Moi, j’ai récupéré tout mon matériel logistique et on a déjà commencé. Les pilotes arrivent et on accueille tous les pilotes. La zone est déjà montée, j’ai trois semi-remorques pour trimballer tout mon matériel. Et donc, moi, quand les pilotes arrivent, ils trouvent leur malle. Ils ont un poste avec chaque moto, un petit poste avec la malle, avec le numéro du pilote, chacun son tapis, chacun son petit fauteuil. Ils arrivent et hop, ils trouvent leurs affaires. Et ensuite, c’est la vie des pilotes. Soit ils vont monter leur tente parce qu’ils commencent à dormir en tente dès le début du rallye, avant même le départ, pour commencer un peu à s’acclimater et à se mettre en mode rallye complet. Et donc ensuite, moi, je déplie. Nous, on a, avec mes six gars dans l’équipe, on a à peu près, quand on démonte et qu’on monte, montage, on a quatre heures de montage pour monter toute la zone. Et on a, après, trois heures et demie de démontage. C’est assez physique. Je ne sais pas combien de tonnes on porte par rallye, mais on a des moyens, on a des chariots élévateurs pour décharger des camions. Mais après, il y a pas mal de choses qu’il faut se brasser à la main. C’est assez éprouvant, on a une journée type, c’est debout entre 3h30 et 4h du matin. La première moto, donc les premiers pilotes partent sur la course à partir de 5h et 6h30. Donc ça c’est quasiment tous les jours. Et nous on finit notre démontage une fois que notre dernier pilote est parti. Et ensuite on doit se rendre sur l’eau de bivouac. Une fois qu’on est sur l’eau de bivouac, on va avoir une heure, deux heures, trois heures de transfert, ça dépend. Ensuite, quand on arrive sur l’eau de bivouac, il y a deux camions qui sont partis la veille. Je retrouve au moins deux camions le matin pour commencer à faire mon montage pour que quand les premières motos arrivent de l’étape du jour au bivouac, ma zone, mon espace sur le bivouac soit prêt pour que les pilotes puissent, dès qu’ils arrivent, faire leur mécanique, monter leur tente et pouvoir aller se coucher tôt, le plus tôt possible.
N.G : À chaque étape, il y a un déplacement de bivouac ou parfois il y a des bivouacs qui sont doublés ou on peut rester plusieurs nuits sur le même bivouac ?
M.M : On peut rester plusieurs nuits sur le même bivouac. C’est ce qu’on appelle des étapes en boucle. Et des fois, ça nous arrive de rester deux nuits, trois nuits sur le même bivouac. Alors, ce qui est un confort pour tout le monde, puisque quand on est vraiment itinérant au vrai sens du terme, tous les jours, tous les jours, je pense comme un Tour de France. et on l’a déjà vécu sur différents Dakar. Mais en fait, ça met à épreuve les hommes, ça met à épreuve les machines. En fait, c’est dur parce qu’on dort très peu, et donc on fatigue au bout d’une semaine. La fatigue se cumule et donc ce n’est pas évident pour les gens, ce n’est pas évident pour le matériel. Oui, parce qu’on est fatigué.
N.G : Il n’y a pas de jour off sur le Dakar ?
M.M : Non, il n’y a pas de jour off sur le Dakar.
N.G : Parce que sur un Tour de France, par exemple, les lundis sont off systématiquement.
M.M : Après, il y a des jours off pour les gens qui sont en contrat. Chez ASO, je sais que c’est quelque chose qui est assez respecté. Dans leur contrat, il y a un jour de repoussée, six jours de travail. C’est du RH.
N.G : Bien sûr, mais un jour off où on doit quand même se déplacer, ce n’est toujours pas le même repos qu’un jour off où on est en statique finalement.
M.M : Oui, mais c’est les lois de l’événementiel, ça.
N.G : Ça, c’est sûr.
M.M : C’est les lois des événements itinérants.
N.G : Mais finalement, effectivement, il y a peu d’événements itinérants. Enfin, au niveau sportif, il y a les cours cyclistes, effectivement, le Dakar. Après, c’est ce qu’on appelle des tournées sur les événements plus grand public. La plupart des événements, finalement, n’ont pas forcément ce mode là de tournée et ont quelque chose d’un peu plus statique. Des fois, même si c’est très bien, souvent sur une seule journée, là, c’est quand même un univers assez particulier de partir comme ça sur 12-15 jours consécutifs. C’est une vraie aventure.
M.M : Oui, tout à fait. Moi, j’ai 50-60% d’humains. Je veux dire, qu’n voit le côté humain, le côté sportif. Et on est vraiment une grosse team, tous, pendant trois semaines. Et c’est un très bel événement. D’un point de vue sportif quand on aime les sports mécaniques, bien sûr, ou d’un point de vue logistique, c’est très, très gros. Les chiffres du Dakar sont sur le site de ASO. Je ne voudrais pas sortir des chiffres comme ça au pied levé. Il y a beaucoup d’hélicoptères, il y a beaucoup de véhicules, il faut faire manger tout le monde. C’est 3 000, 3 500 personnes sur un bivouac tous les jours, donc il faut douche, toilette, c’est tout ça qu’il faut penser en amont. Et bon, c’est quelque chose qui est bien huilé chez ASO.
N.G : Malgré la difficulté apparente d’organisation, je crois que c’est difficile de rentrer dans l’équipe du Dakar. Il y a beaucoup de gens qui reviennent d’une année sur l’autre. C’est que l’aventure vaut le coup finalement.
M.M : Oui, c’est une expérience assez forte. Ça crée beaucoup de liens. Après, il y a beaucoup de monde dans l’organisation. Est-ce que c’est dur ? Moi, avec du recul, je ne dirais pas tant que ça. Après, il faut savoir vivre en communauté pendant trois semaines, même en étant fatigué. Il faut avoir envie de travailler. Ce n’est pas des vacances quand on est dans l’orga du Dakar, il faut bien comprendre qu’on est là pour bosser. Les pilotes sont nos clients. Ça tourne parce qu’il y a des gens qui ne peuvent pas faire le Dakar tous les ans dans les équipes. Donc, il y a des possibilités. Maintenant, je crois qu’ASO, ils sont tout à fait ouverts pour recevoir des CV tous les ans de gens motivés pour venir travailler sur l’orga du rallye, je pense.
N.G : Si vous nous attendez, n’hésitez pas à vous rapprocher d’ASO. Je crois qu’il y a des nouvelles catégories aussi qui se créent, finalement, qui sont un petit peu peut-être les catégories naissantes, mais les catégories d’avenir qui sont des catégories électriques aussi sur le Dakar.
M.M : Oui, tout à fait.
N.G : Ça s’appelle Mission 1000, c’est ça ?
M.M : Oui, tout à fait. Donc voilà, c’est une catégorie de véhicules qui sont 100% électriques. Parce que je crois savoir qu’il y a des projets quand même à 2030 de faire passer beaucoup de véhicules du rallye en électrique. Et cette année, il y avait deux voitures, un camion et trois motos en 100% électrique. Donc la mission 1000, c’était faire 1000 km du rallye en 100% autonomie, 100% électrique. Voilà, donc ça fait partie des choses qui sont mises en place aujourd’hui pour justement essayer d’aller à l’encontre de tout ce qui est thermique.
N.G : C’était la première édition sur laquelle il y avait cette opération ?
M.M : Non, c’est la troisième.
N.G : La troisième. On revérifiera, mais en tout cas, ce n’était pas la première. Alors du coup, depuis toutes ces années, toi, tu travailles avec le statut de freelance, en fait, sur les événements. On y reviendra, mais les différents événements sur lesquels tu es dans l’organisation. Est-ce que tu peux nous parler un peu de ce statut ? Est-ce que c’est un choix ? Est-ce que ça s’est présenté à toi, finalement, un peu obligé parce que tu jump comme ça d’un événement à l’autre ?
M.M : Oui, tout à fait. C’est ça, en fait. Moi, ça s’est présenté à moi en 2014. Donc, il fallait que je puisse facturer sur un événement. Et à l’époque, il y avait un statut que tout le monde connaît beaucoup. Voilà, je suis donc, moi, je suis entrepreneur. Pour moi, ça me convient parce que, en fait, tu es ton propre patron. Et à côté, tu peux quand même travailler sur des contrats de six mois, huit mois, un an pour en tant que salarié dans n’importe quelle société. Donc moi je trouve que c’est un statut qui est bien. Après, je pense que je vais pas tarder à évoluer un petit peu, puisque quand on a besoin d’employer des gens avec ce statut, ce n’est pas évident, c’est même très compliqué. Mais en tout cas, pour ceux qui commencent vraiment dans l’événementiel, c’est vraiment un bon compromis. Aujourd’hui, je sais qu’il y a l’histoire de la TVA qui tourne en ce moment. Ce n’est pas très grave pour nous ce point-là, puisque nous, on facture en général à des sociétés, donc on ne facture pas à des particuliers. Donc on n’est quasiment pas impacté par cette histoire de TVA.
N.G : Nos clients en société B2B peuvent la récupérer. Donc finalement, ça n’a que peu d’impact. C’est pour ceux qui facturent à des particuliers où ça aura un impact forcément sur le prix de vente.
N.G : Donc, ce n’est pas trop un souci dans l’événementiel, en tout cas pour le moment, ce qui est en train de se dessiner au niveau du projet de loi de finances.
M.M : Et puis, écoute, par rapport à ce statut, il faut aller chercher ses clients. Il ne faut pas s’inquiéter si des fois, on n’a que trois mois de visibilité. En fait, il y a des périodes dans l’événementiel, il y a des creux, il y a des périodes de rush comme dans pas mal d’activités. Mais surtout, il ne faut pas se laisser trop, on va dire, influencer par le fait que des fois, on n’a pas trop de visibilité. Ce qu’il faut, c’est surtout se dire qu’il y aura toujours des périodes de rush dans l’événementiel et qu’on aura toujours du boulot.
N.G : On s’est croisés, nous, en 2023 sur la Coupe du monde de rugby. Je sais que sur 2024, tu étais également sur les Jeux Olympiques.
N.G : Sur 2025, le Dakar a lancé ton année, mais sur quel autre événement on pourra te retrouver ?
M.M : Alors aujourd’hui, ce n’est pas signé encore, mais j’ai potentiellement un événement en Afrique du Sud au mois de mai. Et après, peut-être un événement aux États-Unis. Ce n’est que des peut-être, parce que ce n’est pas signé encore. C’est dans les tuyaux, mais les choses peuvent changer, ça évolue. L’événement aux Etats-Unis, ce sera pour juin-juillet. Et sinon, je suis sur le début d’un projet avec trois amis dont j’ai un copain qui a créé une machine qui s’appelle Javatic. En fait, c’est pour éviter les files d’attente dans les événements. Et c’est un distributeur de bières et il peut distribuer, en fait, il sert 12 bières en 25 secondes. Voilà, le projet est sorti. Le prototype est déjà sorti. On a une V1 qui va arriver au mois de mars. Et donc, vous allez commencer à voir, ceux qui sont dans l’événementiel, il y a eu quelques petits articles sur Javatic. Et donc, vous pourrez voir que cette machine-là, bientôt, on n’aura plus de fil d’attente sur les grands événements sportifs ou dans les stades. Et vous verrez que ça va faire gagner beaucoup de temps à tout le monde. Et tout est digital. C’est très pratique, très rapide. Et voilà, je pense que ça va plaire à beaucoup de monde.
N.G : Oui, même sur les festivals aussi parce que c’est un vrai sujet pas très loin ici on a le Hellfest je crois c’est le plus gros consommateur de bières par spectateur du coup au niveau des festivals français. Je pense que ça peut être des bons bêta-testeurs. Tout à fait on va step by step et on va voilà on va rentrer par la petite porte et puis ensuite on va aller attaquer les gros d’ailleurs tu as travaillé dans l’événementiel sur pratiquement tous les continents est-ce que tu as l’impression qu’il y a une sorte de savoir-faire un peu globalisé Ou est-ce qu’il y a vraiment des spécificités par pays ou par continent sur les façons de faire ? Je ne sais pas comment se comportent les gens de ce métier-là, finalement.
M.M : Oui, il y a des spécificités par pays parce qu’en fait, déjà, les cultures ne sont pas les mêmes. L’Afrique, ça n’a rien à voir avec le Moyen-Orient. Et l’Amérique du Sud n’a rien à voir avec l’Afrique. Donc, il faut en fait savoir s’adapter un peu dans le pays dans lequel on se trouve et comprendre la manière de travailler des gens qu’on a en face de nous. Et une fois qu’on a compris ça, ça facilite grandement les opérations terrain.
N.G : Mais concrètement, est-ce qu’il y a des choses, des particularités que tu sais que tu dois, alors peut-être c’est la façon de s’adresser les uns aux autres, est-ce que c’est ce qu’on va demander, est-ce que c’est aussi une sorte d’expertise qui est peut-être globalisée parfois, peut-être plus segmentée par sous-métiers dans d’autres endroits ?
M.M : Au Moyen-Orient, on travaille avec des gens, on va avoir beaucoup de ressources humaines parce que c’est comme ça et que les gens ne sont pas formés. Je parle en fait des workers, les travailleurs. On emploie beaucoup de Pakistanais, de gens du Bangladesh, d’Inde. Donc en fait, il y en a qui sont très spécialisés. Il y a des soudeurs, il y a des charpentiers. Il y a les petites mains…
N.G : Il y a peut-être moins d’expérience finalement.
M.M : Il y a moins d’expérience d’événementiel.
N.G : Du coup, il faut un peu plus de monde parce que l’événementiel, c’est quelque chose d’assez global finalement, il faut être un peu bon partout. Il y a peut-être moins de gens qui ont cette expérience d’être un peu bon partout finalement. Il faut plus de ressources différentes pour toucher tous les corps de métier de l’événementiel.
M.M : Oui, c’est ça. C’est exactement ça. Et oui, c’est vraiment avoir une vue d’ensemble sur un projet. L’obligation d’avoir la vue d’ensemble, c’est quand même assez important. Et c’est vrai que le côté événementiel est en train de se développer. Parce que le divertissement est de plus en plus présent dans beaucoup de pays. Nous, on n’est pas mauvais dans l’événementiel.
N.G : Non, mais si, c’est important peut-être de le dire aussi, parce que le French bashing est quand même un peu à la mode au global. Il y a eu beaucoup de French bashing, et notamment des Français eux-mêmes avant les JO, par exemple, en disant qu’on ne sera jamais capable d’organiser, on n’est pas capable de si, on a raté une finale de la Ligue des Champions, et ainsi de suite. Et au final, tout s’est quand même extrêmement bien passé, avec une organisation, pas forcément 100% franco-française, mais il y avait quand même énormément de français dans les instances organisatrices de tout ce que j’ai pu voir. Au final, on a quand même une vraie expertise en France et un savoir-faire et la preuve, c’est qu’on s’exporte même, on fait appel à toi dans d’autres pays.
M.M : Moi, j’ai une expérience comme je disais tout à l’heure. En fait, moi, j’ai grandi à Madagascar. J’ai cette expérience africaine. Après, je suis parti. En fait, c’est ce qui m’a donné la bougeotte aussi. Donc, ça m’a donné envie d’aller découvrir d’autres cultures, d’aller apprendre d’autres langues. Il faut surtout s’intéresser au monde extérieur et il ne faut pas juger les gens quand on travaille avec eux. Il faut vraiment bien prendre le temps de s’adapter, de comprendre la culture dans laquelle on travaille pour ensuite pouvoir travailler main dans la main avec les gens en local. Et ça, ça fait partie de l’humain et si on n’a pas l’humain en événementiel, comme je répète, pour moi l’événementiel c’est 50-60% d’humains. Si on a l’humain dans une équipe on peut tout faire avec une équipe
N.G : Dans tous les événements que tu as pu voir ou peut-être même sur ceux sur lesquels tu as travaillé lequel est celui qui t’a le plus marqué qui t’a procuré le plus d’émotion ?
M.M : Je pense que la Coupe du Monde de rugby en 2023 ça a été un des événements où en fait quand on regarde les 4-5 mois de travail accompli avant le premier match ou avant le deuxième match de la Coupe du Monde dans son stade et qu’on se dit qu’on a fait chanter, sourire et crier 30 000 personnes et que tout fonctionne correctement, il y a quand même une grande satisfaction. Et il y a un moment donné où, oui, on a la chair de poule. Et moi, je pense que c’est des événements à grand public, comme une monde de rugby ou comme les JO. C’est là où, moi, je me dis, j’ai réalisé quelque chose qui était quand même assez fort. Il faut savoir que le chemin est long avant le premier coup d’envoi du premier match, le chemin est très long, notamment moi sur ma partie. Je m’occupe des aménagements en événementiel. Les aménagements, ça va du barriérage, aux tentes, à l’internet, à l’eau, à l’électricité, à l’équipement dans les vestiaires pour les joueurs. C’est vraiment très large au mobilier aussi. Et donc, en fait, il faut tout anticiper avant, donc c’est beaucoup de travail c’est beaucoup d’heures de travail avec les équipes c’est des problématiques qu’il faut régler c’est monter un événement de cette grandeur là, parler de la coupe du monde de rugby et quand on arrive et que le coup d’envoi est donné et que le premier match se passe bien sur la Coupe du monde de rugby, on a eu des petits problèmes d’électricité sur le premier match, mais on a vite rattrapé le coup par la suite.
N.G : On en a parlé avec François Méchin dans le premier podcast de la saison. Donc si vous voulez, vous pourrez faire le lien avec ce qu’on s’est dit avec François.
M.M : J’ai écouté le podcast de François justement. Mais une fois que ça s’était passé, après ça a vraiment déroulé. Je pense qu’on peut tous être fiers de ce qu’on a accompli et de ce qu’on a livré sur la Coupe du monde de rugby et aussi bien sur les JO.
N.G : Ça fait le lien avec ce que tu disais sur la partie humaine aussi, c’est-à-dire qu’il y a cette équipe qui s’est montée, qui a grossi progressivement et finalement, des fois, des événements qui sont beaucoup plus courts, il y a un peu moins de temps de partage en amont avec les autres équipes. Et là, le fait que ça se monte sur ces plusieurs mois, il y a ce côté où on se rapproche avec certains. J’imagine même que tu es devenu ami finalement au-delà du côté professionnel parce que ça soude les gens finalement de travailler ensemble et de franchir les obstacles ensemble.
M.M : Exactement. On se fait toujours des amis sur 80% des missions qui sont un peu longues ou même parfois sur des missions courtes. On a toujours des coups de cœur avec des gens et ça crée toujours des liens très, très forts. Et oui, j’ai beaucoup d’amis que j’ai rencontrés sur des événements et qui sont des amis aujourd’hui et avec qui même je pars en vacances aujourd’hui. Donc oui, ça crée des liens très, très forts.
N.G : Est-ce que t’es très organisé quand tu pars en vacances ?
M.M : Alors absolument pas.
N.G : C’est marrant ça, c’était l’opposé.
M.M : Alors en fait, je reviens d’un voyage en Colombie, au mois de novembre, où j’ai été faire de la moto, et en fait on a fait trois jours, c’était trois semaines, j’ai fait trois jours de roadbook pour les trois premiers jours, trois jours d’hôtel pour les trois premiers jours, et après on était au jour le jour. Donc en fait, non je suis pas organisé, mais ça me dérange pas et puis ça parce qu’en fait, tout se résout très, très vite.
N.G : Oui, tu as aussi confiance dans tes capacités à t’adapter, par ce que tu fais au quotidien dans ton métier. Et donc, tu sais que tu trouveras les solutions que tu arrives à trouver.
M.M : Je n’ai pas forcément besoin de prévoir beaucoup de temps avant pour m’organiser, pour savoir que ça va le faire. Mais oui, c’est un peu le comble de quelqu’un qui travaille dans l’organisation d’événements, de ne pas être organisé par soi-même.
N.G : Ça fait du bien aussi de relâcher un peu.
M.M : C’est important même.
N.G : Et sur quel événement tu rêverais de travailler un jour ? Alors, un événement fictif, un événement réel, mais en tout cas, un événement sur lequel tu n’as jamais travaillé. Mais tu te dis, tiens, si celui-ci, j’avais l’occasion un jour d’y aller, ce serait vraiment génial.
M.M : Il n’y en a pas qu’un, en fait. Non, mais les Red Bull Rampage aux Etats-Unis. Je fais du vélo et je fais du VTT.
N.G : Les Red Bull Rampage,aide-moi…
M.M : C’est du downhill, c’est du DH, en fait. C’est du vélo de descente, VTT de descente. Et en fait, il y a un championnat du monde de descente.
N.G : Où on est dans les espèces de favelas, tout ça, en descendant dans les immeubles ?
M.M : C’est celui qui est organisé à Valparaiso, au Chili. Ok. Voilà, et qui a lieu là dans pas longtemps, d’ailleurs. Et j’aimerais bien organiser ce championnat du monde, parce qu’il y a le Chili, il y a les US, il y a la République Tchèque, il me semble. Enfin, je me plante peut-être. Mais ouais, c’est des beaux événements. Red Bull font des très beaux événements, j’avoue.
N.G : Bon, le message est passé. Et dernière question, du coup, dans 10 ans, tu feras quoi ?
M.M : Dans 10 ans, je ferai quoi ? Je serai incapable de te le dire.
N.G : Tu seras encore dans ce métier-là ? Tu seras peut-être sur un autre métier ? Comment tu t’imagines ?
M.M : Dans 10 ans, c’est une bonne question. Je serai peut-être un peu plus posé, je voyagerai peut-être un peu moins. Mais je pense que je serai toujours dans l’événementiel. On verra bien.
N.G : On l’a compris, tu auras monté une belle entreprise.
M.M : Écoute, on va essayer.
N.G : Ça marche. Merci beaucoup, Mathieu.
M.M : Merci à toi, Nicolas.
N.G : Merci au temps que tu es venu consacré pour ce podcast. Et surtout, n’oubliez pas, dans l’événementiel, on n’a pas un métier facile, mais c’est quand même mieux que de travailler.