S01E03 – Yannick Perrigot : Vendée Globe, les secrets de Disobey
Dans cette interview, Yannick nous raconte son parcours, les projets qui ont remporté le Vendée Globe, et toute l’émotion que cet événement suscite.
N.G : Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans le podcast Good Morning Event. Aujourd’hui, je suis avec Yannick. Yannick, bonjour.
Y.P : Bonjour Nicolas.
N.G : Tu t’appelles Yannick Perrigot et tu es notre invité aujourd’hui parce qu’on va parler d’un événement qui fait l’actualité, le Vendée Globe. Alors le Vendée Globe déjà, est-ce que tu peux nous dire pour toi qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que ça représente ?
Y.P : Déjà pour les non-initiés, le Vendée Globe c’est une course autour du monde à la voile, en solitaire, qui se pratique avec des bateaux qu’on appelle des IMOCA, des bateaux d’environ 18 mètres. C’est la dixième édition cette année. C’est une aventure humaine incroyable, une aventure technologique de fou. Et pour nous, c’est quelque chose d’énorme, parce qu’en gros, si on résume, nous, on existe depuis 25 ans, c’est un peu notre fonds de commerce. On a travaillé sur 15 projets en 25 ans. Des petits projets, des très grands projets, des projets victorieux. Et pour nous, c’est un peu nos JO. Ça veut dire que ça se passe sous les 4 ans. Et la plupart de nos contrats avec les grandes marques sont des contrats sur 4 ans. Donc, c’est même hyper structurant pour notre organisation. Et ce sont des aventures absolument incroyables. Même en tant qu’entrepreneur, il y a toujours quelque chose de nouveau à faire. Il y a toujours des choses nouvelles à inventer. Donc, on vibre au rythme du Vendée Globe.
N.G : Alors, on va revenir sur le Vendée Globe, sur ton aventure d’entrepreneur, mais au tout début de ta carrière, tu n’était pas entrepreneur, tu te destines plutôt à des études de journalisme.
Y.P : Alors, j’ai fait des études de journalisme, et j’ai été journaliste, effectivement, j’ai été journaliste dans une radio locale à Saint-Malo, puis après j’ai été pigiste à France Bleu, à France Inter, à France Info, à l’AFP, à Reuters, à Canal+, etc. Puis un jour j’ai rencontré des gens et je me suis dit, tiens, il y a peut-être un truc à faire. Donc on a créé quatre sociétés dans le monde de la communication, une société de conseil, une société de relations presse, une société de contenu, une société d’événements. Et on a été embarqué directement dans le monde de la voile avec un projet qui s’appelait The Race, organisé par Bruno Peyron, pour lequel ils ont construit des catamarans géants pour faire un tour du monde au départ de Barcelone. Et ça, ça nous a mis sur orbite tout de suite en bossant avec des marques internationales et j’ai envie de dire, on a un peu appris sur le tas.
N.G : Là, on est en 99.
Y.P : On est en 99 absolument, à Saint-Malo.
N.G : Voilà, il y avait quatre entités, mais celle qui a été le plus connue , c’était Windreport, c’est ça ?
Y.P : Oui, c’est celle qui a un peu émergé avec le temps effectivement… C’est bien parti. Puis on était sur un créneau assez spécifique. En 1999, le multimédia est tout juste naissant. Et on a été les premiers à mettre du contenu audio en ligne. Et on a eu plein de clients qui étaient les journaux papier, Libération, Le Monde, L’équipe, etc. Donc ça nous a aussi bien projeté et on était vraiment à l’aube de tout ce qui est multimédia et on a transformé notre agence en la première agence de presse multimédia 100% online avec le statut d’agence de presse qui était aussi important pour moi de garder cette carte de presse qui a aussi une valeur éthique, une valeur sur la qualité de contenu et on a surfé comme ça.
N.G : Et tu te retrouves en 2004 avec le premier Vendée Globe sur lequel ton agence intervient et avec déjà plusieurs projets.
Y.P : Absolument, j’ai déjà travaillé sur le Vendée Globe en tant que journaliste. On avait un local de l’étape à côté de Saint-Malo qui est Christophe Auguin qui a gagné le Vendée Globe donc évidemment pour moi c’était une pépite de pouvoir être dans les coulisses parce que j’étais proche de Christophe, de son équipe, de sa famille et donc j’ai vibré sur cet événement là je me suis dit il y a un vrai truc à faire.
N.G : Il gagne en quelle année ?
Y.P : Il gagne cette année là et non il gagne bien avant qu’est ce que je dis moi 96 non non pardon il gagne en 96 et ouais après je me retrouve…. On a inventé un truc en fait on a inventé un truc et puis, puis il y a pas mal de demandes. On n’est pas énormément sur le métier, à être un peu structuré. Nous, on arrive avec nos méthodes. On a beaucoup bossé à l’international et je pense que ça intéresse des gens. Et donc, selon les éditions, effectivement, on avait entre 2 et 4 bateaux alignés sur le Vendée Globe.
N.G : Alors moi, j’ai rejoint ton agence en 2008 et cette année-là, il y avait 5 projets. Je suis intervenu, moi, de par mes fonctions un peu plus sur deux projets qui m’ont du coup beaucoup marqué. Il y avait le projet Groupe Bel avec Kito de Pavan, et puis le projet Foncia avec Michel Desjoyeaux. Peut-être,est-ce qu’on peut revenir sur ce projet Groupe Bel ? Avec ce principe du coup de pouce, que moi je reprends toujours comme modèle de concept à la fois de communication, de concept événementiel. Tout ce qu’on peut créer autour d’un bateau et d’un skipper pour réunir des milliers de collaborateurs à travers le monde.
Y.P : C’était une très belle aventure qui a vraiment marqué notre histoire. La problématique de Bel, elle n’est pas de vendre du fromage quand ils vont faire le Vendée Globe. Ils ont un skipper qui est quelqu’un d’hyper inspirant qui s’appelle Kito Depavant. Qui est un mec sympa, qui est quelqu’un dans le partage, qui adore les enfants, et puis vraiment qui fait le taf à tous les niveaux. Et la problématique de Bel, c’est de faire un porte- étendard pour fédérer tous les collaborateurs dans le monde, ils sont 12 000, et donc il faut trouver une histoire commune, mais une histoire commune qui inspire aussi bien les gens du siège à Paris, que de la filiale aux Etats-Unis, que des gens… qui sont en Ukraine, dont le métier est de vérifier que la languette de l’apéricube est dans le bon sens, qui n’ont jamais vu la mer et qui probablement ne la verront jamais, pour certains d’entre eux en tout cas. Donc il faut trouver un objet physique et qui ne soit pas qu’un objet digital, parce que justement dans ces collaborateurs-là, il y en a plein qui ne sont pas connectés. Et donc l’idée que je leur ai soumise, c’est de créer un concept qui s’appelle le coup de pouce A kito. Et on est allé dans les commissariats… Trouver la marque du petit tampon encreur sur lequel tu mets ton pouce, là. Et on en a acheté des tonnes. Et on a fait un poster en douze langues avec une urne, une carte postale. On a envoyé ça dans toutes les entités. Et on a proposé aux gens de donner leur empreinte, comme une symbolique de coup de pouce, d’écrire sur la carte postale leur prénom et le site dans lequel ils sont. Et on a scanné ces empreintes-là, on les a mises sur le mât. Et la symbolique, qui était très forte, c’est que tous ces collaborateurs-là, ils étaient visibles. Évidemment, on leur envoyait des images de tout ça. Et pour Kito, ce qui était super fort, c’est qu’il voyait ça tous les jours. Et quand on est marin solitaire, on est surtout représentant d’un écosystème, l’écosystème de tes partenaires, des collaborateurs des partenaires, etc. C’est assez puissant de savoir que tu te sens soutenu, parce que ce qu’ils vivent là, notamment en ce moment, c’est juste terrible. C’est des grands malades. Ils ne sont pas faits comme nous. Donc ça veut dire qu’il y a des moments d’euphorie, mais il y a aussi des moments de grandes difficultés. Et c’est le mental qui te permet de tenir dans ces cas-là. Et ton mental, il est aussi nourri par tous les gens qui te soutiennent. Et tu cours aussi pour des gens, tu cours pas que pour toi. Et le fait de voir ces empreintes sur le mât, ça t’oblige aussi. Ça t’oblige vis-à-vis de tous les collaborateurs, vis-à-vis de ton partenaire qui te finances, parce que c’est quand même des budgets importants, mais il y a aussi tous les collaborateurs. Et puis, derrière cette opération coup de pouce, on a fait un roadshow international. On est allé en Iran, on est allé Égypte, on est allé aux États-Unis, etc., en parallèle des courses. Et là, je cite Kito, il disait, » quand j’arrive dans l’usine, que je mets l’espèce de bonnette pour te couvrir les chaussures, et que tu vois tous les collaborateurs de tous les pays du monde qui sont là en train de t’acclamer comme si tu étais Obama, là tu prends des jets, et ce sont ces jets qui te nourrissent quand tu vas naviguer seul ».
N.G : Il y a quelque chose que tu nous as toujours raconté, ou peut-être que je t’entendais en parler aux partenaires, en fait, c’est que l’univers de la voile, c’est un univers qui est à la fois très beau, très inspirant, mais aussi très risqué. On ne sait jamais de quoi demain sera fait, même ce qui sera fait dans une heure. Tous les candidats qui sont encore en liste sur le Vendée aujourd’hui, peut-être qu’en ce moment même, il leur arrive quelque chose de compliqué qui va les obliger à abandonner cette course. Et donc, du coup, il y a tout le travail autour d’un bateau du Vendée Globe, c’est que finalement, l’investissement soit rentabilisé avant le départ. Je t’entendais dire ça, ça m’avait marqué aussi. Et que le reste, une fois que le départ est fait, finalement, c’est que du bonus. Parce que ça peut mal tourner et ça fait aussi partie de ce qu’on doit bien prévoir quand on est partenaire, finalement.
Y.P : Oui, parce que pour les grands projets, aujourd’hui, c’est quand même des investissements de l’ordre qui peuvent aller jusqu’à 3 millions d’euros par an, sur un programme de 4 ans. Donc, effectivement, si ton retour sur investissement est juste sur ta visibilité et ta performance dans la course, ça ne marche pas. Alors, il y en a qui fonctionnent comme ça, mais moi, je ne suis pas en phase avec ça. Parce qu’il y a un moment, quand tu montes un projet comme ça, et on en a monté énormément, on a accompagné beaucoup de skippers, on a aussi été interrogés par des boîtes qui nous ont dit, on aimerait bien aller sur le Vendée Globe, mais quand même, c’est risqué, etc. En fait, il y a toute une méthode. Et à chaque fois que tu écris quelque chose dans cette méthode,tu ne parles pas au DIRCOM, tu ne parles pas au PDG, tu ne parles pas au conseil d’administration, tu essaies de dire le DAF, le directeur financier, qu’est-ce qu’il va penser ? Lui, il est là pour doser les risques financiers. Et la manière de répondre à ça, c’est de se dire qu’on va exploiter ça pendant 4 ans, on va faire des opérations de com’interne, comme on l’a fait par exemple avec Bel, mais on va aussi développer toutes sortes de leviers. Des leviers en B2B parce que quand tu emmènes des clients naviguer, c’est une opération money can’t buy, c’est une vraie expérience. Il se passe des trucs. Tu vas raconter une histoire sur tes réseaux sociaux et tu vas développer une communauté de dingue. En marque employeur, c’est quelque chose de super fort aussi parce que tu montres que tu prends des risques et tu montres aussi que pour communiquer, tu ne te contentes pas d’acheter une page dans l’Equipe. Acheter de la pub, c’est sans risque. Il y a un discours de marque que tu développes derrière et qu’on écrit avec les gens pour leur dire, en fait, prendre des risques quand tu es entrepreneur, c’est juste normal, en fait. Par contre, ne pas se préparer à ces risques-là, ça, c’est anormal. Et donc, on accompagne les gens sur, y compris le discours, si ça casse, qu’est-ce qui se passe, etc. Et donc, tu crées une chaîne de valeur pendant quatre ans. Il y a déjà beaucoup d’autres courses, beaucoup d’autres événements, parce que quand tu fais une route du Rhum, tu fais des événements à Saint-Malo. Puis après, tu fais aussi des événements au Guadeloupe. Pareil pour la Transat Jacques Vabrequi va vers la Martinique ou le Brésil selon les années. Il se passe plein de choses. Puis tu peux emmener des collaborateurs naviguer. Donc en fait, on a posé plein de KPI. Et puis on monte plein d’opérations, plein d’opérations événementielles qui permettent de muscler le sujet, qui permettent aussi d’apprendre, de développer, d’expérimenter un certain nombre de choses autour de concepts, de fils conducteurs. Et évidemment, le Vendée Globe dans la série Imanca, c’est le Graal. Et il faut qu’on arrive là en ayant fait un retour sur investissement ISO. Et le reste, c’est la cerise ou la pastèque sur le gâteau. Parce que, évidemment, c’est ultra visible. Parce que ta communauté sur les réseaux sociaux, elle est dingue et elle vibre. Violette Dange, elle a pris en une semaine 300 000 abonnés sur Insta en plus. Parce qu’elle est sincère.
N.G : Une fraîcheur, en fait. Une découverte.
Y.P : Exactement.Et puis, le dernier Vendée Globe. On était en plein Covid, donc c’était aussi une symbolique incroyable, c’est qu’il y a eu d’énormes négociations pour pouvoir autoriser le départ du Vendée Globe, et chapeau aux organisateurs, notamment sur le discours suivant qui était de dire, les gens sont enfermés chez eux et on va leur donner une respiration. Et ça c’est quelque chose de fabuleux, je parlais tout à l’heure d’une page de pub dans un magazine ou à la télévision. Certes tu peux créer de l’émotion mais c’est quand même moins simple. Tout ça permet de dire, oui, c’est risqué parce que c’est un sport mécanique, mais oui aussi, il y a des méthodes de l’organisation qui permettent de limiter ce risque-là.
N.G : On va revenir sur le métier d’organisateur de course et tout ce que ça comporte. Je voudrais quand même qu’on continue un tout petit peu de s’intéresser à ta boîte, qui s’est appelée Windreport’, qui aujourd’hui s’appelle Disobey. Est-ce que tu peux nous parler déjà des projets victorieux ? Parce qu’on ne va pas revenir au fur et à mesure de Vendée Globe sur tous les projets que vous avez accompagnés, mais il y a quand même des victoires, donc ça c’est quand même sympa d’en parler. Et puis nous raconter aussi aujourd’hui quel est ton quotidien et le quotidien de Disobey.
Y.P : Alors si on parle des victoires, effectivement on a une victoire fabuleuse, un projet absolument dingue avec Michel Desjoyeaux en 2008-2009. Michel, on l’appelle le prof, c’est quelqu’un pareil d’hyper-inspirant, hyper-inspiré, hyper-performant, hyper-favori au départ. Mais au bout de 48 heures, il se rend compte qu’il y a une espèce de fuite, il y a un truc qui ne va pas bien à bord, et il décide de revenir. Ça casse un peu l’ambiance parce que ça fait partie des… Comme on dit depuis tout à l’heure, des sports mécaniques, Foncia, son sponsor, est une très belle marque qui a investi pas mal d’argent, effectivement. Donc ça casse un peu l’ambiance, mais il revient, il revient au port.
N.G : C’est le seul endroit où on peut revenir, parce que c’est sans assistance. Absolument. Sauf si on revient au port de départ, au Sable d’Olonne, on peut réparer, se faire aider et repartir.
Y.P : Et c’est limité dans le temps, je ne sais plus exactement, mais tu ne peux pas revenir éternellement. C’est une course sans assistance, donc si tu as un problème, tu te débrouilles ou tu abandonnes. Ou tu peux aller te mettre à l’abri, comme l’a fait Yves Parlier quand il a refait son mât, mais tu n’as le droit à absolument aucune assistance. Donc Michel revient, il répare et il repart 48 heures après. Et là, il s’est passé plein de choses, y compris des choses que personne n’a vues, mais que moi je vais vous raconter. Michel, il est… Il est libéré. En gros, il n’a rien à perdre. Donc il fait sa course. Et il fait sa course, bon les autres sont devant, et il fait sa course et il se met son combat et il s’est libéré psychologiquement, il s’est libéré dans sa manière d’écrire parce qu’il était complexé, il n’osait pas écrire, il avait peur de faire des fautes d’orthographe, etc. Et c’est un autre Michel qui a fait cette course-là. Et son mental a pris le dessus. C’est quelqu’un de très fort, mais son mental a pris le dessus. Il a fait sa course, et petit à petit, il a rattrapé une personne, deux personnes, trois personnes. Et il le racontait avec un enthousiasme incroyable. Il débordait d’amour, et il a gagné. C’est une remontada absolument incroyable. Déjà, il avait pas mal marqué l’histoire de la course, puisqu’il l’avait déjà gagnée. Mais là, il n’y a pas de match. C’est le grand Michel. Et nous, on est en coulisses. On vit ça, on vit la déception. Moi, je me souviens, il repart en pleine nuit. Je suis avec Régine, sa femme, à l’époque.
N.G : Il y a un élément aussi qui est important, c’est qu’il y a eu une énorme tempête dans le golfe de Gascogne au moment où finalement, lui, dans son malheur, était à l’abri. Et donc, il y a à la fois en termes de fatigue, mais aussi de casse mécanique. Il y a eu un certain nombre de casses sur un certain nombre de bateaux.
Y.P : Absolument.
N.G : Le Kito De Pavant, dont on a parlé, a démâté lors de cette grosse tempête. Et lui, peut-être, ça l’a protégé aussi, d’une certaine façon, dans son malheur. Ça a été le petit éclair de bonheur.
Y.P : Absolument. Alors, on peut peut-être refaire l’histoire. En tout cas, c’est vrai qu’il y a eu plusieurs bateaux. Nous, on en avait deux. On avait Yannick Bestaven à l’époque et le Kito De Pavant.
N.G : Yannick a gagné la dernière édition.
Y.P : Absolument. Et ils ont démâté. Ils ont démâté au bout de 48 heures. Et donc, on était en gestion de crise sur trois projets. C’était juste un truc de fou. Et donc, effectivement, Michel est passé à travers les gouttes. Après, il y en a plein d’autres qui sont passés aussi. Mais on parlait quand même de vagues scélérates, ces espèces de vagues qui montent et qui cassent comme ça, qui sont casse-bateau, en fait.
N.G : Et donc, cette victoire. Et puis, vous faites vous aussi, pour ainsi dire, un peu le doublé, puisque quatre ans après, vous repartez avec un autre skipper, notamment. François Gabart.
Y.P : François Gabart.
N.G : Et à nouveau, ça se passe plutôt très bien.
Y.P : Dans l’histoire de la voile, en France, on dit qu’il y a des génies incroyables, inspirants, tous les 20 ans. Il y a eu des gens qui sont vraiment au-dessus du lot. Il y a eu Michel Desjoyeaux, il y a eu François Gabart. On a la chance de travailler pour ces gens-là. Et François est quelqu’un juste d’exceptionnel. Exceptionnel dans sa structure mentale et dans son organisation, parce qu’au fur et à mesure des années, on a vu aussi des projets qui étaient… Ça bricolait un peu, pas mal, même quand on avait des moyens. Il y a une image qu’on reprend souvent, c’est que la veille du départ, il y a pas mal d’années, il y avait toujours des préparateurs qui bricolaient sur le ponton, qui continuaient à fixer ce qui pouvait l’être. Puis au fur et à mesure… des années, une semaine avant il ne se passait plus rien à bord. Et François, qui est un ingénieur super organisé, qui a un partenaire Massif à l’époque qui lui fait hyper confiance et qui lui donne les moyens de bien travailler, crée un projet hyper hyper structuré. Il est puissant, il est bon tout ce qu’il touche il le transforme en or et voilà il gagne une très très belle bagarre sur l’eau, il gagne et il fait partie de ces skippers de génération plus récente qui sont aussi très bons pour partager leurs émotions, leur tristesse, leur colère etc. Ça fait une espèce de combo de dingue en fait qui fait que tu as envie de suivre ces gens là et tu les suis parce que c’est un truc de fou interne, c’était un truc de fou. On faisait des visios, comme on l’a fait la semaine dernière avec Charlie Dalin, où tu as un amphi avec 400 collaborateurs, et tu fais une visio, et à un moment, moi j’en animais beaucoup, tu parles justement d’énergie et de transfert d’énergie, et moi j’ai briefé les gens avant la visio, à la fin, il faut que par vos cris, vos acclamations, vous puissiez aussi envoyer de l’énergie aux skippers qui est en mer, et qui sentent comme Kito avec les coups qui poussent, qu’il a toute une équipe derrière lui, énormément de collaborateurs derrière lui et voilà il leur vendait bien parce qu’il était toujours, il était toujours hyper présent et je me souviens d’une chose qui nous a bluffé c’est que l’époque Twitter était, c’était un peu le début et un jour on se rend compte que en fait ce qui est très intéressant à noter c’est que les systèmes de connexion à bord ont énormément évolué aujourd’hui ils ont l’internet comme toi et moi
Il y en a même qui regardent des matchs de Ligue des champions sur leur bateau
Il paraît ! François en fait, il y a des moments où ils sont très très pris puis les mots ils s’ennuient un peu, quand tu es sur le même bord etc Il commence à répondre aux gens et nous on nous dit « attend mais pas c’est François qui répond c’est vous ? ». Non non en fait non on découvre comme vous que l’interactivité allait comme si tu pouvais échanger avec Lewis Hamilton lorsqu’il est une course en formule 1, là tu peux échanger avec les marins alors il y en a juste pas envie de ça et puis François il se prenait au jeu commentait les commentaires enfin c’était juste incroyable donc pour le public c’est un truc de fou.
N.G : Parce que c’est vraiment un sujet aussi c’est à dire que le Vendée Globe il y a tout ce départ ce temps fort et une des difficultés c’est que c’est un événement qui dure finalement très longtemps et même si aujourd’hui on a de plus en plus de contenu de photos de vidéos il faut réussir à garder l’attention des gens pendant ces 80 peut-être 70 pour d’autres un peu plus jour de mer c’est quoi le secret comme ça pour garder la fraîcheur de l’événement sur une durée aussi longue finalement ?
Y.P : Je ne sais pas s’il y a un secret en fait. Je pense que’alors, on ne fonctionne pas tous de la même manière. Il y a des équipes qui fonctionnent en surbriefant leurs skippers. Ce serait bien que tu dises ça à tel moment, etc. Nous, ce n’est pas du tout notre fonctionnement. C’est aussi mon ADN de journaliste qui fait que si ce n’est pas sincère, transparent, engagé, ça ne prendra pas. Donc nous, notre manière de faire, c’est bien en accord avec le sponsor et le skipper de dire en fait non, tu dois partager. Tu dois partager sans limites, sans contente. Et plus tu seras authentique et plus tu vas embarquer les foules. Parce que le producteur de contenu, c’est lui ou elle. C’est lui qui décide à un moment ou à un autre de prendre sa caméra. En l’occurrence, maintenant, c’est son téléphone, de faire une petite vidéo, etc. De la balancer sur WhatsApp, et puis ça nous arrive à terre. C’est lui qui dit, j’ai envie de raconter des trucs. Alors nous, là où on les incite un peu, c’est de leur dire, ne fais pas une vidéo que quand tout va bien. Je veux dire, quand c’est la baston, on a envie de le voir. On a envie de tout voir, en fait. Quand t’es dans le dur, on a envie de…
N.G : Quand t’as une réparation aussi, quand t’as une latte de grand voile qui pète, tout ça.
Y.P : Exactement, et c’est là où ils font le job. Quand je vois Louis Burton, qui a malheureusement abandonné, et qui nous montre, avec un détail juste incroyable, sa réparation. Il a pris des lattes en carbone, et il est allé les coller pour renforcer sa coque, juste avant de passer dans les mers du Sud. Déjà, tu prends un cours d’architecture, et tu prends un cours de réparation.
N.G : C’est la NASA quasiment, là. On se dit, le mec est dans l’espace, on juste lui donner des conseils, et en mode débrouille toi avec ce que t’as sur son bateau.
Y.P : C’est exactement ça. J’adore l’image. Parce que ces mecs sont complets, quoi. Ils savent faire de la météo, ils savent…
N.G : Se soigner ! Ils sont entraînés à se soigner en cas où.
Y.P : Exactement, ils savent communiquer, mais ils savent bricoler, la mécanique, la strat, etc. Ils ont une boîte à outils de malade à bord pour essayer d’anticiper tous les problèmes. Sauf que, il ne suffit pas d’avoir la boîte à outil pour pouvoir réparer, quoi. C’est juste un talent incroyable. Et ça, ils le racontent sans phare. C’est juste dingue. Donc ça, ce sont les ingrédients pour que ça tienne dans la durée. Après, il y en a pour qui ça tient plus que pour d’autres. Mais on parlait tout à l’heure de Violette Dorange. Ben voilà, Violette, elle part, elle dit « ça va », « ça va pas », « j’ai cassé tel truc », tu vois sur sa tête qu’elle est souriante, enfin elle est globalement toujours souriante mais de temps en temps c’est un peu plus dur et c’est ça qui donne envie aux gens, chez eux, dans le métro, de regarder ça et de prendre un petit shoot de fraîcheur et c’est ça, cette histoire, t’as envie de la vivre jusqu’au bout.
N.G : Alors cette histoire c’est toutes ces histoires qui viennent s’agréger autour d’un événement qui est un événement à la base sportif mais qui devient effectivement quelque chose de sociétal. Toi, tu n’es pas l’organisateur du Vendée Globe mais t’as un oeil averti avec toutes ces éditions auxquelles tu as pu participer de différentes façons. Tu as été aussi organisateur de courses à la voile. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu ce que c’est que le métier d’organisateur de courses à la voile ?
Y.P : Dans le monde du sport et dans le monde de la voile, c’est le métier le plus difficile après celui de trouver de l’argent. C’est difficile parce qu’il faut que tu rassembles un certain nombre d’éléments qui sont hyper complexes et que tu fasses travailler ensemble des gens, j’allais dire qu’ils se détestent peut-être pas, mais des gens qui n’ont pas tous la même vision. Pour le cas du Vendée Globe, il faut travailler avec des institutionnels. Les institutionnels, par exemple Alain Leboeuf, le président du conseil départemental, lui, il a des attentes bien particulières par rapport à cet événement-là. Il faut que tu trouves des partenaires pour financer ce projet-là. Les partenaires, ils attendent aussi un retour sur investissement. Tu as énormément de contraintes logistiques, de sécurité, parce que tu accueilles des centaines de milliers de personnes, il faut que tu fasses un village, que tu vendes ce village, il faut que tu gères les accès, il faut que tu discutes avec la Class, et la Class elle a des prérogatives.
N.G : La Class c’est le format du bateau.
Y.P : C’est l’association qui rassemble tous les participants. La Class, elle a aussi son mot à dire, évidemment, puisqu’elle va aussi discuter des règles de course. Au sein de l’organisateur, tu as une direction de course avec des gens d’un talent incroyable.
N.G : Foil ou pas foil, ce n’est plus le débat aujourd’hui, mais ça l’a été, puisqu’il y a quelques années, les foils étaient arrivés, mais pas tout de suite sur les IMOCA. Donc, il y a eu un moment donné, à partir de quand, est-ce qu’on autorise les foils sur les IMOCA ?
Y.P : Bien sûr. Donc, la Class, elle travaille, elle, sur la jauge et essaie d’anticiper au maximum les changements de jauge pour pouvoir laisser le temps au team de les intégrer. Et c’est tout ça que l’organisateur doit faire. Il doit travailler sur la communication, les télés, les directs, la récupération des images lorsqu’ils sont en mer, la négociation sur la diffusion des images dans, je crois, 68 télés dans le monde. Enfin, on comprend pourquoi il faut quatre ans pour le faire. Et au sein de la SAEM Vendée, moi, je leur tire mon chapeau parce que ce n’est pas une grosse équipe. C’est une petite équipe pour organiser des petits JO, mais ça reste quand même des JO. Ça reste les mêmes contraintes. Et puis, comme cette année, à la fin, la magie s’opère.
N.G : Ça tombe bien, puisque l’organisation du Vendée Globe vient de communiquer. J’avais récupéré des chiffres des dernières éditions, mais là, on a tout juste les chiffres qui sont sortis. Sur le village, pour se donner un ordre de grandeur, c’est un peu comme un stand d’exposition. Ça dure trois semaines jusqu’au départ du Vendée Globe. Ils annoncent 1,6 million de visiteurs qui sont venus se presser sur le village et en partie sur les pontons, puisque les pontons étaient durs d’accès tellement il y avait de monde. Le départ, 350 000 spectateurs présents physiquement au Sable d’Olonne, ce qui est encore complètement hallucinant. 22 millions de téléspectateurs pour assister au départ. Là encore, c’est finalement plus que n’importe quel événement sportif cette année. C’est la plus grosse audience télé. Alors c’est diffusé sur pas mal de chaînes, parce qu’une des particularités, c’est que le flux est gratuit, si je ne dis pas de bêtises, c’est toujours le cas. Et une des spécialités en plus, c’est que le départ est très bien positionné puisqu’il est tout le temps un dimanche à 13h02. Donc ça, c’est là encore des gens qui sont très intelligents, qui ont réfléchi à ça. Pourquoi 13h02 ? Tout simplement parce qu’on est en direct dans les journaux télévisés de 13h qui font le maximum d’audience sur la journée. Et donc, ça multiplie l’occasion pour tous les partenaires de pouvoir assister à tout ça. Et puis au niveau réseau sociaux, c’est 421 millions de personnes qui ont été touchées à travers le monde sur les réseaux sociaux et 47 millions de visites uniques sur le site internet du Vendée Globe. Donc c’est des chiffres qui font un peu tourner la tête pour tout sponsor, pour toute personne qui cherche à avoir de la visibilité. Mais ça permet de mettre un peu en lumière cet aspect, ce que je disais, vraiment sociétal. Au-delà du sport, c’est un peu comme les JO. On est au-delà de la compétition sportive, on est sur un truc qui touche tout le monde. Et ça, c’est vraiment impressionnant.
Y.P : C’est hyper populaire. Moi, je n’ai jamais vu ça. Donc, ça fait depuis 1996, sans faire le vieux Mohican. Heureusement que moi, j’avais un pass pour aller sur les pontons, parce qu’on n’a jamais vu une heure et demie à deux heures d’attente. Et les gens, en plus, était d’une gentillesse. En l’occurrence, on a eu de la chance, il a fait beau. Mais les gens, ils patientaient avec les momes, avec des personnes âgées. Et ils patientaient parce que c’est un spectacle gratuit, c’est très important pour le Vendée Globe. La diffusion d’images est gratuite, comme tu le disais. Le fait que ce soit gratuit et que ce soit magique, effectivement, ça attire un peu de monde. Mais quand tu es avec les gens sur les pontons et que tu vois, ah voilà, ça c’est le bateau de Louis Burton, ah ça c’est Samantha Davis avec l’association qu’elle soutient, ils connaissent toutes les histoires. Donc vraiment, ça génère une passion incroyable. Et puis alors, moi, j’ai plein de potes qui m’ont demandé, la veille ou l’avant-veille du départ, c’est quoi ton bon tuyau pour pouvoir assister au départ ? J’ai dit, ben j’en ai pas. J’en ai pas. Ou alors, tu viens à 5h du mat’. Et à 5h du mat’, il y avait un monde fou. C’était un truc de fou. Et pareil, moi, je suis reparti à mon appart’ un moment, j’en reviens à 7h et je vois des familles avec des momes qui dorment encore sur le porte-bagages avec leur petits casques et puis leur pain au chocolat. Il fait froid quand même. Non, ils ont attendu pendant des heures. C’était fabuleux. Et c’est une arène. Enfin, le lieu physique est fabuleux, ce chenal des Sables. Et donc maintenant, effectivement, les marins se sont pris au jeu. Ils font faire la ola aux gens, ils les font chanter. Tout le monde a mis des banderoles, etc. Nous, on est allé voir des gens dans les appartements. On leur a dit est-ce que vous voulez mettre une banderole pour Charlie Dalin ou pour Denis ? Le skipper de D’Ieteren, les gens disent avec plaisir, on est trop content parce que c’est une arène avec tous les gens qui sont là sur au minimum 5 à 6 rangs, autant dire que ceux de derrière ne voient pas grand chose. Il y a les gens dans les apparts qui sont aux premières loges et tout le monde y va de son cri, de sa trompette, de tout ce que tu veux. C’est une ambiance incroyable. C’est une ambiance incroyable. Donc j’imagine pour les marins le choc émotionnel que ça peut être, le choc émotionnel déjà, prendre le départ quand t’embrasses ta famille, bon, c’est quand même pas rien. C’est pas un match de foot qui va durer 90 minutes, c’est un match de foot qui va durer au minimum 74 jours. Donc déjà l’émotion elle est hyper intense, et là tu prends des jets d’émotion, tu prends des jets d’énergie, et hop, 13h02, c’est le départ, t’es tout seul à bord. Là, il y a un pivot psychologique majeur qui mérite d’être étudié parce que émotionnellement, c’est rare de passer d’un moment où tu es dans une arène avec 350 000 personnes et des télés du monde entier qui te filment à seul. Seul pour deux ou trois mois.
N.G : Et ce choc là, ils en parlent aussi au retour aussi. Parce que quand ils arrivent, pareil, ils ont eu cette solitude, même si on est en communication. Quand on ne voit personne physiquement, on est quand même bien seul au bout d’un moment. Et d’un coup d’arriver et eux ils sont éclatés et par contre tout le monde les attend, veut leur faire la fête et en fait ils ont du mal à comprendre ce qui leur…
Y.P : Ils ont du mal à reconnecter, physiologiquement et psychologiquement c’est compliqué. Effectivement ils communiquent toute la journée mais c’est pas pareil, encore une fois c’est du transfert d’énergie, quand t’arrives dans le chenal et que si en plus t’as gagné et qu’il y a des centaines de milliers de personnes qui t’acclament comment tu fais, comment tu expliques à ton cerveau et à ton émotion qu’en fait, il va falloir que tu passes de rien à tout.
N.G : C’est fou. Tu parlais des bons plans. Moi aussi, on m’a beaucoup demandé du coup comment faire. Alors ce que je disais aux gens qui s’y prenaient la veille pour le lendemain, le mieux, c’est peut-être d’être chez soi avec un bon brunch, des amis et de le regarder à la télé. Ou alors sinon, il faut partir de Nantes à 4h du matin. Moi, j’avais vu une année, je ne sais pas si c’est toujours possible, mais sur le chenal côté nord, des gens, après j’avais été discuter avec eux, ils avaient installé un utilitaire sur les places de parking qui donne juste derrière le chenal, le long, deux ou trois jours avant, il l’avait positionné. Et en fait, le matin même, ils sont venus, ils ont monté une terrasse en bois sur le toit du camion. Ils avaient la table, les chaises, ils étaient installés. Ils étaient deux mètres plus haut que tout le monde, donc ils avaient une vue magnifique, pas poussée, pas gênée. Et voilà, si on peut toujours se stationner là pour les départs, je pense que c’est le bon plan, mais il faut le préparer.
Y.P : Je pense que c’était il y a longtemps, parce qu’il y a quand même un petit sujet qui est vigipirate. Et ouais, non, je pense qu’il y a beaucoup de vérification.
N.G : A revérifier si ça peut se faire, mais en tout cas, il m’avait impressionné justement pour leur préparation aussi de leur événement à eux finalement.
Y.P : Évidemment, c’est comme sur le Tour de France, tu te positionnes un peu avant, c’est pareil.
N.G : J’ai une petite question pour conclure ce podcast. Si on se projette un petit peu, l’innovation dans le bateau, on a bien vu que c’est le foil, ça peut être aussi à un moment donné les voiles carbone, mais l’innovation dans l’organisation d’événements, le suivi de ces courses-là ? C’est un peu l’intelligence artificielle. Comment est-ce que, dans ton métier de suivi, de communication autour de la voile, l’intelligence artificielle vient s’incrémenter finalement ? Et quel pourrait être l’avenir pour quelqu’un comme toi sur l’usage de l’intelligence artificielle dans ce métier-là ?
Y.P : Ta question est complexe. Je pense que l’intelligence artificielle intervient moins dans les sujets de communication, mais plus dans les sujets d’optimisation du bateau. En fait, ce bateau doit exploiter tous les éléments qui sont en sa possession. Il y a énormément de capteurs sur le bateau. Et les capteurs remontent de la data qui est interprétée pour vérifier si la position du bateau, son réglage de voile par rapport à la mer, la température de l’eau, le vent, etc. sont optimales par rapport à la théorie. Donc ça, c’est un énorme travail de collecte de données, d’interprétation de données en temps réel. Et évidemment que l’IA déjà est intégrée là-dedans sur l’optimisation de tout ça, et que je pense, l’IA et le machine learning, et le monde du bateau et de la techno à bord du bateau, c’est un terrain d’expression, d’expérimentation fabuleux pour l’IA. Et je sais que c’est déjà le cas. L’IA pour les pilotes automatiques, les hommes et les femmes qui font le Vendée Globe ne tiennent jamais la barre. Et quand ils tiennent la barre, ça veut dire que leur pilote est cassé et que ce n’est pas une bonne nouvelle. Parce que le pilote est plus, dans 95% des cas, il est plus efficace que le marin. Bon, tout ça, c’est de la techno et évidemment que l’intelligence artificielle va venir améliorer tout ça. Sur la communication, à part peut-être le traitement des vidéos en temps réel.
N.G : Est-ce que sur les banques images, par exemple, parce que quand on voit aux journaux télévisé des extraits d’images, en fait, ces images, bien évidemment, elles ne sont pas prises en live parce qu’on est dans les mers du sud, on est loin de tout, on ne peut pas faire d’images. Donc, en fait, un petit secret, c’est qu’en amont de la course, On va tourner des images par beau temps, par mauvais temps, par grosses vagues. Et quand on va vouloir raconter l’histoire qu’on raconte justement, par exemple avec un audio du marin ce qu’il vit, on l’illustre avec des images vues d’hélicoptères du bateau ou de drones maintenant, mais qui ont été tournées bien en amont. Et ça, il faut programmer ces temps-là dans la préparation, mais aussi attendre qu’il fasse beau, attendre qu’il fasse moche. Tout ça, ça se travaille.
Y.P : C’est une énorme logistique. Il y a, j’ai envie de dire, il y a 10 ans, 10-15 ans, 80% des images qu’on voyait étaient des images d’archives. Donc effectivement, on scénarisait tout ça. On scénarisait le réveil, « je vais dormir », « je soigne une blessure », « je cuisine », « je change mes voiles », etc. On avait tout un plan de tournage hyper précis. On a toujours ce plan de tournage hyper précis. Maintenant, le fait que la transmission soit hyper fluide, le fait que les marins et les marines soient beaucoup plus digitales natives, que maintenant, avant, il fallait quand même tourner avec une caméra, sortir la carte USB, la rentrer dans son ordi, et faire un montage comme on faisait à la maison, avec le bateau qui tape, etc. C’était juste une tannée. Aujourd’hui, c’est juste hyper simple. Donc en fait, on a beaucoup plus d’images, beaucoup plus d’images spontanées, beaucoup plus de live, donc il y a moins d’images d’archives. Donc il y a évidemment moins recours à l’IA sur le traitement de ces images-là. Après, sur les réseaux sociaux, probablement qu’il y a des choses à faire. Et en même temps, je me dis, c’est tellement beau, c’est tellement simple, c’est tellement spontané. On voit qu’il ne faut pas essayer de réinventer la poudre, en fait. C’est peut-être l’un des derniers territoires en termes de com’ dans le sport. Enfin, le sport en général est quand même l’un des derniers territoires où tu peux communiquer et partager tes émotions, etc. Je pense que tu n’as pas besoin de l’IA là-dessus. Tu as peut-être besoin de l’IA pour trier le contenu, parce que le contenu, il est majeur. Mais là, comme ça, spontanément, à chaud, à froid, pardon, je ne vois pas de grand secteur où l’IA va venir nous aider, mais j’espère qu’on va me faire mentir.
N.G : Et pour finir, si on sort un peu de l’univers de la voile, est-ce que dans toute ta vie, soit d’organisateur, mais soit aussi juste de simples participants, d’observateurs. Est-ce qu’il y a un événement qui t’a particulièrement touché, particulièrement marqué ?
Y.P : J’ai plein d’événements qui m’ont marqué parce que j’ai eu la chance de faire un tour du monde d’événements avec les catamarans de Larry Ellison sur CGP. C’était un roadshow de dingo où on a inventé, on a pris la technique de la mécanique de la Formule 1 qu’on a appliquée au bateau. Donc, ça veut dire qu’il a fallu faire évoluer des bateaux pour qu’ils puissent naviguer dans peu de vent et qu’ils puissent naviguer de façon très spectaculaire avec des shows qui sont très rapides, avec une prod de dingue. Et on est allé à New York, à San Francisco, à Sydney, en Angleterre, un peu partout. Ça, c’était super fort.
N.G : Ça, vous pouvez le retrouver sur Canal. C’est des courses qui sont magnifiques.
Y.P : Tout à fait. C’est vraiment du spectacle. Et voilà. Et en termes d’événements, non, moi, j’ai vécu des trucs de fou parce que j’ai réussi à convaincre notamment les partenaires Massifs à l’arrivée de François Gabart et à l’arrivée de Charlie Dalin dans le dernier Vendée Globe, de remercier le public. Et donc, en 48 heures, j’ai loué une barre, j’ai mis 5000 watts de son dessus. La semaine d’avant, on avait demandé, on était dans le Covid, pour Charlie Dalin, on avait demandé aux gens sur les réseaux sociaux de nous envoyer les encouragements qu’ils voulaient faire passer à Charlie. On a monté une bande son. qu’on a diffusé dans le chenal avec un niveau de son de dingo. Et puis on a fait une boîte en fait, on a fait une discothèque dans le chenal. Et le peu de gens qui étaient là, enfin en l’occurrence le peu de gens au final, au début il n’y en avait pas beaucoup mais quand ils ont entendu le bruit ils sont venus. Et les gens ils dansaient dans les appart’etc. C’était un moment fabuleux et c’est surtout aussi un moment que je voulais absolument créer pour que Charlie Dalin qui rentrait de… En plus, il y a une problématique qu’on peut rappeler rapidement. Charlie est arrivé premier sur la ligne, mais il y a eu du temps compensé pour aller sauver Kevin Escoffier, qui était en péril. Il se trouve que Charlie Dalin, qui est arrivé le premier sur la ligne, n’a pas gagné le Vendée Globe, parce que Yannick Bestaven, avec son temps compensé, est arrivé finalement sur la première marche du podium. Pendant quelques heures, on savait que Charlie était le vainqueur virtuel. Donc il fallait le fêter de cette manière-là. Et moi, j’avais la hantise de voir Charlie rentrer comme s’il rentrait d’une journée de pêche, alors qu’il venait de faire un tour du monde fabuleux et qu’il avait fait le job. Donc, pour Charlie, pour tous les gens qui étaient autour de cet écosystème-là, on a créé un moment d’émotion partagée fabuleux.
N.G : C’était très beau. Il y avait aussi une très belle fresque, je crois, sur la plage.
Y.P : Absolument. On a fait une fresque géante de 100 mètres sur 100 mètres d’un dessin avec le visage de Charlie. Voilà, c’est des idées en fait. Cette fresque, c’est fabuleux, mais c’est une fresque qui a fait le tour du monde. Parce que, évidemment, quand vous faites une idée, quand vous produisez une idée, vous vous dites, il faut que cette idée elle ai du sens, qu’elle porte un message. Merci Charlie, bravo Charlie. Et puis, si possible, qu’elle puisse être vue un peu partout. Et évidemment, que les images hélico ont shooté la fresque et qu’elle a fait le tour du monde. Donc, tout le monde est content.
N.G : C’était magnifique.
Y.P : Ben ouais, c’était super. C’était super. Et on a encore plein d’idées stupides. C’est ça qui fait qu’on a envie de se lever le matin pour faire ce job-là. Et ça, tu le sais par cœur, parce que tu crées des événements tous les jours. Et tu crées de la vibration, tu crées du partage entre les gens. C’est ça, celle de notre vie.
N.G : Et puis, on a hâte de voir l’arrivée du Vendée.
Y.P : Absolument. Et on réfléchit à deux trois idées stupides.
N.G : Exactement. On va suivre ça avec beaucoup d’intérêt. En tout cas, un grand merci à Yannick pour ta disponibilité.
Y.P : Merci à toi, Nicolas.
N.G : Et surtout, n’oubliez pas, dans l’événementiel, on n’a pas un métier facile. mais c’est quand même mieux que de travailler.
Y.P : C’est pas mal, bravo !